Un bijou niché dans un écrin de vigne Sauternaise
Le Château Lafaurie-Peyraguey est un 1er Grand Cru Classé de Sauternes dont les origines remontent au 15ème siècle. Ce vignoble, propriété de Silvio Denz, entrepreneur suisse passionné par le vin, s’étend sur 35 hectares dont 32 de plantés. 15 hectares sont dédiés à la production du premier vin (Château Lafaurie-Peyraguey), 15 autres au second vin (Chapelle de Lafaurie) et 2 hectares pour produire du Bordeaux Blanc (sec). Chaque année la propriété produit entre 20.000 et 40.000 bouteilles de Sauternes.
Je vous propose de partir ensemble découvrir cette propriété, éclairé par les explications de David Bolzan (Directeur Général des Vignobles Silvio Denz).
D’où vient le nom de la propriété ?
« C’est le nom des anciens propriétaires. C’est un nom composé qui vient des deux familles qui ont été propriétaires dans le passé. D’abord il y a eu la famille Peyraguey jusqu’en 1618 puis la famille Lafaurie. Lors de son rachat par cette dernière elle renomma le château en plaçant son nom en premier. Toutefois ce n’a été une propriété viticole qu’à partir de 1618 avec la plantation des premières vignes. Nous avons d’ailleurs fêter en 2018 l’anniversaire des 400 ans. Avant cela, et selon les actes de vente retrouvés c’était une propriété non viticole mais agricole (céréales, verger, différentes plantations…). »
Pourriez-vous nous parler de la philosophie et de l’esprit qui règnent sur la propriété ?
« Nous sommes dans une région bénie des dieux, au milieu que de très grands noms. On est sur un territoire de 1er crus classés, sur la 3e terrasse la plus haute de l’appellation. En termes de région on a donc la chance de jouir d’un écosystème extraordinaire, quelque chose de particulier et de rare.
Quand on arrive au Château Lafaurie-Peyraguey, on a un espace composé d’une cours intérieur entourée de bâtiment en pierre, un grand espace vert au centre, des arbres multi-centenaire ainsi que le château derrière. Ça invite à la contemplation, les volumes sont généreux (comme le vin généreux). Ce n’est pas austère, ce n’est pas bourgeois c’est simple, c’est nature et accueillant. On a un terroir qui est là depuis des millénaires, on a un château qui est superbe avec une forteresse majestueuse en pierre. C’est un lieu qui marque les esprits. C’est un lieu d’hospitalité, on ne peut pas imaginer qu’un château comme celui-là ne reçoit jamais personne. C’est un lieu d’hospitalité il doit donc être ouvert et accueillant. Je pense que ce qui nous caractérise c’est aussi notre ouverture d’esprit très forte ainsi qu’une certaine créativité. On veut faire les choses un peu différemment, bousculer raisonnablement les codes. »
Pourriez-vous nous parler de Silvio Denz, de la manière dont il est arrivé au monde du vin ?
« C’est un grand amateur de vin depuis longtemps, il l’était déjà bien avant d’investir dans le vignoble. Dans sa famille ils ont une culture vin, il a toujours été sensibilisé à l’art de la table. Son père avait une très bonne cave il a eu cette culture-là. A partir de 1982, il a commencé a acheté des Primeurs à Bordeaux pour se constituer une très belle cave et il continue encore ! Il a aussi en cave de très belles bouteilles d’un petit peu partout dans le monde
C’est toujours porté par cet amour du vin qu’il a ensuite commencé à investir dans des vignobles en Toscane et en Espagne. C’est en 2005 qu’il a acheté son premier vignoble en France, le Château Cap de Faugère, Château Faugère ainsi que Château Peby Faugère. En 2014 il a eu le coup de cœur pour le Château Lafaurie-Peyraguey. Il adore avant tout les lieux qui font des grands vins, des grands vins avec des grands terroirs, mais également les lieux qui parlent, des lieux auxquels il peut amener sa touche. Il aime les endroits à couper le souffle. On est d’accord pour dire que même si le lieu est joli, cela n’apporte pas grand-chose au vin. Cependant, si c’est joli, les gens vont y venir plus souvent et probablement déguster le vin et s’en souvenir. Derrière un produit il y a un lieu, il faut miser sur les lieux pour que les gens comprennent le vin et surtout vivent des moments d’émotions qui vont faire qu’ils vont aimer et acheter ce vin. Après tout le vin ne doit-il pas être émotions ? »
Quelle est votre signature ? Qu’est ce qui permet de les reconnaitre en dégustation à l’aveugle ?
« Ils offrent une belle finesse, de l’élégance, un bel équilibre ainsi que de la richesse. Il y a une régularité aromatique au travers des millésimes. On pense que ça vient de l’assemblage des trois terroirs que nous avons. C’est une force que nous avons, quel que soit le type de millésime nous avons toujours un terroir qui s’y adapte mieux que les autres et qui permet donc de palier les aléas de l’année. Les arômes dont je vous parlais tournent autour des agrumes, de l’écorces d’orange ou encore du zeste d’orange. Pour l’anecdote c’est d’ailleurs de là qu’est né l’idée du cocktail SweetZ.
Nos vins offrent beaucoup de finesse, ils sont très précis, complexes, longs, fruités et très enrobés. On travaille la souplesse et l’acidité du vin. Les consommateurs nous attendent sur le sucre mais nous notre projet c’est l’acidité donc l’équilibre.
Autre caractéristique, nous faisons partie du petit club des Sauternes (et il y en a peu, deux ou trois) qui ont une forte proportion de Sémillon. On a 93% de Sémillon, 6% Sauvignon Blanc et 1% Muscadelle. Généralement à Sauternes quand on parle de 90% on parle plutôt du Sauvignon Blanc.»
Pourriez-vous nous parler de vos terroirs et de leurs caractéristiques ?
« On a trois types de terroir. Ceux qui ont été les premiers à être planté et qui sont également ceux classé en 1855 sont situés derrière le château. Ils représentent une quinzaine d’hectares. A l’origine il n’y avait que dix hectares, ceux qui sont situés dans notre enclos (vignoble muré) mais une acquisition a porté cela à une quinzaine d’hectares. Cela, ceux qui sont donc dernière le château sont constitués de grave et sont assez sablonneux. Plus on descend de la côte et plus c’est sablonneux. Ils amènent beaucoup de finesse à notre assemblage. A vrai dire une grande partie de la finesse de Lafaurie-Peyraguey vient de ces sables et graves. C’est un sol pauvre et fin.
Nous avons également entre 3 et 4 hectares qui sont situés à 250mètres du Château, sur la butte d’Yquem. Ce terroir est connu pour la grande qualité de ses argiles. On a également quelques graves. Ce terroir apporte une belle richesse au vin.
Notre troisième terroir se situe plus vers le village de Sauternes et offre plus de graves et de calcaire. C’est de là principalement que vient la minéralité présente dans nos vins.
Pour résumer je dirais : finesse, richesse et minéralité grâce au triptyque sable + argile + calcaire c’est ça qui fait la force du Château Lafaurie-Peyraguey, qui fait son identité. »
Avez-vous une anecdote sur la propriété ?
« Nous avons créé un objet qui correspond à l’image des grands vins et qui est fantasmant : on a créé la seule barrique en cristal Lalique au monde qui contient du sauternes. Il fallait un écrin fabuleux pour contenir ce grand vin. C’est le fruit d’un long travail de R&D… On reçoit très souvent des offres d’achats mais il n’est pas question de la vendre.
Nous avons également un restaurant sur place. Le Château Lafaurie-Peyraguey est un château immense et on souhaitait l’ouvrir aux visiteurs ainsi qu’aux personnes habitant autour. Les gens qui ont construit ce château voulaient forcément, vu l’architecture, recevoir à la propriété. On avait donc la place pour faire le restaurant sans pour autant dénaturer la structure du château ou construire une extension.
On a tant de choses à dire sur nos vins…c’est donc une manière de les dire, de montrer toute la beauté du vin en les mariant à de jolis plats. Ça nous permet aussi d’exprimer notre propre style et créativité.
On a voulu un restaurant qui soit au niveau de notre 1er Cru Classé. Je pense qu’on est le restaurant qui ressemble le plus au classement. Le restaurant est fait pour créer des accords mets/fins connus ou pas connus. L’accord foie gras et sauternes, c’est tout simplement génial avec un Sauternes très jeune. On revisite donc les grands classiques et on fait des créations originales, inattendues. »
Remerciements à David Bolzan et Tony Desallangre pour leur chaleureux accueil.