Domaine Chiroulet

Des vins tendance avec un caractère Atlantique

Entretien avec Philippe Fezas, propriétaire et vigneron du Domaine Chiroulet, l’un des principaux domaines viticoles de l’AOC Côtes

de Gascogne

VertdeVin : Commençons par présenter la région, qui n’est peut-être pas très connue de nos lecteurs. Comment décririez-vous les vins des Côtes de Gascogne en quelques mots ? Philippe Fezas : Les vins des Côtes de Gascogne sont très aromatiques, fruités et frais. Ils représentent ce que les Anglais appellent le crispy, avec une fraîcheur et une vivacité atlantiques, mais en même temps très complexes.

VertdeVin : Les Côtes de Gascogne sont une vaste région. Quels sont les principaux terroirs ?

P.F. : Oui, la région s’étend sur trois départements : Gers, Lot-et-Garonne et Landes. Il existe une grande diversité de terroirs et de types de sols : Dans les Landes, les « sables fauves » sont des sables rouge-orange déposés au Miocène moyen, la « boulbène » est un sol silico-argilo-calcaire acide et dans les régions de Tenarèze et du Haut-Armagnac, on trouve du calcaire et ce que l’on appelle la « terre forte », un sol riche en argiles lourdes. Les vignes du Domaine Chiroulet poussent principalement sur des sols calcaires, formés pendant la période du Miocène.

Les vins blancs des Côtes de Gascogne sont les vins blancs français les plus exportés. C’est surprenant ! Quels sont les principaux marchés ?

P.F. : Pour l’ensemble de la région, le trio de tête est constitué du Royaume-Uni, de l’Allemagne et des Pays-Bas. Pour nous, au Domaine Chiroulet, le Japon, la Belgique et les Pays-Bas sont les marchés les plus importants depuis longtemps.

De nos jours, le changement climatique est un sujet brûlant (sans jeu de mots !). Quels sont les cépages les plus prometteurs pour la Gascogne au regard de l’évolution des conditions climatiques ? Que font les viticulteurs pour s’adapter ?

P.F. : Je sais que cela ne sonne pas bien, mais le changement climatique est bénéfique pour la région jusqu’à présent. Nous avons un climat atlantique et maritime, et des sols argilo-calcaires frais à l’origine. En 25 ans, lorsque j’ai commencé ma carrière, nous avons connu une augmentation d’un degré de la température, ce qui est beaucoup. Depuis 2009, le cabernet sauvignon est replanté car il peut maintenant atteindre une meilleure maturité. En revanche, le merlot est problématique. Il n’aime pas la chaleur et le stress hydrique. Peut-être que le Marselan peut être une option car il a le même profil que le Merlot en termes de sucre, de profil de fruit et de rondeur mais comme le Grenache est un parent, il montre aussi une meilleure résistance à la sécheresse. Nous avons fait notre première récolte de Marselan l’année dernière et nous avons obtenu des résultats intéressants. Le cabernet franc se comporte bien, il reste frais malgré les vagues de chaleur.

Auparavant, les raisins rouges étaient plantés sur les pentes sud et maintenant nous passons aux pentes est parce que le soleil est plus doux et qu’il y a plus de vent pour rafraîchir les raisins. Les raisins blancs sont plantés sur les pentes nord pour conserver leur fraîcheur et leur acidité. Nous gardons également plus de feuilles pour protéger les raisins. J’ai planté du Petit Manseng et il donne des résultats étonnants. Nous avons déjà plus qu’assez de sucre, mais l’acidité et la fraîcheur aromatique sont toujours à la traîne. Lorsque nous combinons les deux, c’est parfait. Les clients recherchent maintenant de la fraîcheur, pas de l’alcool ni du sucre. Je ne suis pas trop inquiet, il y a un grand changement mais nous nous adaptons toujours.

La viticulture biologique ou biodynamique est-elle courante dans la région ? Quels sont les défis à relever ?

P.F. : Les Côtes de Gascogne sont très vertes. Nous avons déjà un bon équilibre naturel, beaucoup de matière organique, de l’agroforesterie et beaucoup de HVE. Au Domaine Chiroulet, nous avons obtenu la certification biologique pour nos vins rouges en 2021. Les vins blancs sont plus difficiles. Nous les protégeons beaucoup, c’est une vinification réductrice. Avec la quantité de cuivre utilisée dans la viticulture biologique, c’est difficile car le cuivre oxyde le vin. Nous voulons protéger les composés aromatiques, les thiols. Nous n’essayons pas d’éviter ou de trouver une excuse pour ne pas suivre le protocole biologique, mais nous le prenons au sérieux et nous faisons des recherches. Nous commençons également à travailler avec des variétés résistantes – floreal, par exemple, pour réduire le nombre de pulvérisations.

Comment la région réagit-elle aux tendances récentes : vins moins alcoolisés, vins naturels et orange, vinification en amphores ?

P.F. : Les rouges de Gascogne deviennent plus légers, plus frais, plus accessibles. Le Merlot et le Tannat sont utilisés pour produire ce style facile à boire. Les vins effervescents se développent de plus en plus. Avec des sols calcaires et un climat frais, c’est une évolution naturelle. Les producteurs utilisent moins de soufre car l’hygiène et la technologie dans les caves se sont beaucoup améliorées.

Les vins doux et demi-doux sont typiques de la région. Comment protéger cette catégorie dans le monde du « zéro sucre » ?

P.F. : Nous n’avons aucun problème à vendre nos vins doux, c’est une catégorie qui se développe. Le Petit Manseng et le Gros Manseng, nos variétés indigènes, présentent un bon équilibre entre les fruits tropicaux et l’acidité, ils ont une belle amertume qui équilibre bien le sucre au point qu’il devient presque imperceptible. Les vins semi-doux de Gascogne sont uniques. Nos vins ont 40-50 gr, ils sont donc très accessibles et… délicieux !

Je ne peux m’empêcher de vous interroger sur l’Armagnac, autre produit emblématique de la région. Pourquoi les consommateurs devraient-ils le préférer au cognac ou à d’autres eaux-de-vie de raisin ? Quels sont ses points de vente uniques ?

P.F. : Tout d’abord, la production d’armagnac est beaucoup moins importante que celle du cognac. C’est un produit artisanal créé par des domaines familiaux qui préservent le patrimoine et les traditions de la région.

Merci pour cet entretien, Philippe ! Et bravo à la Gascogne ! Valeria Tenison

Domaine Chiroulet

32100 Larroque-sur-l’Osse – France www.chiroulet.com

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